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Vérité N°10: Analyse de la démarche écologique de la Dreal par Stéphanie Le Bonniec

Membre du comité directeur Enviro Veritas
Biologiste experte en biodiversité et mammifères marins

De mon coté, j’ai effectué une première analyse croisée, avec un regard critique, des documents officiels et des contributions indépendantes.
Mon analyse confirme la dissymétrie entre la rigueur administrative du processus environnemental de la Dreal et la portée réelle de son application scientifique. Si la planification du projet BNO s’inscrit dans un cadre réglementaire robuste (évaluation environnementale, séquence ERC, concertation avec l’OFB et le Conseil scientifique de façade NAMO), la profondeur de l’analyse écologique reste limitée par des
lacunes méthodologiques et temporelles.
Les études environnementales annoncées (État Initial de l’Environnement 2025–2027, programmes MIGRALION et MIGRATLANE) interviennent dans un délai très restreint avant la publication du cahier des charges (début 2026). Cela pose un problème de synchronisation scientifique : la période d’acquisition de données (2 ans) demeure insuffisante pour saisir les variations interannuelles et les dynamiques
saisonnières des communautés marines.
Les cycles écologiques (reproduction, migration, alimentation) des cétacés, oiseaux marins et poissons exigent des suivis pluriannuels (> 5 ans) pour garantir une évaluation robuste.

En conséquence, l’évaluation d’impact cumulative risque d’être partielle et de sous-estimer les effets chroniques.
Les effets combinés du bruit, de la turbidité, de la pollution chimique et des modifications hydrodynamiques sont encore peu documentés dans les cadres officiels.
Or, mes dernières analyses d’études montrent que les stress acoustiques et chimiques cumulés peuvent altérer la communication, la reproduction et la santé immunitaire des mammifères marins. Ces effets sub-létaux, diffus dans le temps, sont rarement détectés par les protocoles classiques d’étude d’impact centrés sur des observations ponctuelles.
De plus, l’addition de plusieurs parcs éoliens le long de la Manche et du golfe de Gascogne crée un effet de “barrière acoustique régionale” qui pourrait perturber les couloirs migratoires des baleines franches et des rorquals communs — phénomène encore absent des modèles de planification nationaux.
Le volet chimique est quasiment absent des documents officiels alors qu’il constitue un vecteur majeur d’impact différé. De nombreuses études environnementales indépendantes (Krecl, P. Et al. (2022), Birchenough, S.N.R. et al. (2023), Dean, R.J. et al. (2016), etc.) indiquent que :

La corrosion galvanique des structures flottantes et d’ancrage libère du zinc, de l’aluminium et du plomb dans la colonne d’eau, substances bioaccumulables.
Les résines époxy des pales et les huiles hydrauliques contiennent des composés fluorés (PFAS, PFOS, PFOA) et du bisphénol A, persistants et perturbateurs endocriniens ;
Les micro- et nanoplastiques issus de l’érosion des pales s’intègrent dans la chaîne trophique.
Ces rejets, bien que diffus, représentent une pollution chronique susceptible d’affecter les réseaux trophiques à long terme. Le manque d’intégration d’une approche écotoxicologique complète (analyse de bioaccumulation, transfert trophique, effets combinés) constitue un angle mort important du projet BNO.
Le dispositif de suivi environnemental prévoit la publication des résultats sur la plateforme nationale eoliennesenmer.fr, mais les données brutes issues des campagnes en mer (bioacoustique, contaminants, observation de faune) ne sont pas rendues accessibles en open-data.
Cette opacité méthodologique limite la reproductibilité scientifique et la possibilité d’expertise indépendante.
Par ailleurs, la participation des associations environnementales locales se limite à un rôle consultatif, sans pouvoir décisionnel dans la validation des mesures ERC. Il en résulte un déséquilibre d’influence entre acteurs institutionnels et acteurs scientifiques ou citoyens.
Le document officiel évoque la mise en œuvre de mesures compensatoires, mais ni leur nature ni leur localisation ne sont précisées.
Les milieux marins, par leur complexité écologique et leur dynamique ouverte, ne se prêtent pas à des compensations classiques (création ou restauration d’habitats analogues).
Ainsi, la compensation des pertes d’habitats benthiques, d’aires de nourricerie ou de corridors migratoires reste scientifiquement discutable et pourrait ne pas satisfaire les exigences de non-perte nette de biodiversité imposées par le Code de l’environnement.
Selon moi, le dispositif environnemental du projet BNO constitue une base de conformité réglementaire, mais il n’est clairement pas encore une garantie de préservation écologique.